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Quand Meetic modère à Madagascar, est-ce l’euphorie chez Eufonie ?

Publié le 30 avril 2019 à 12:23 par Magazine En-Contact
Quand Meetic modère à Madagascar, est-ce l’euphorie chez Eufonie ?

A Antatanarive, une petite entreprise, dirigée et co-fondée par un ex Meetic, veille à ce que les contenus publiés sur les sites du leader mondial de la rencontre en ligne soient licites. Cette quasi « NSA » de la modération résistera-t-elle à l’intelligence artificielle, à la concurrence des CCC (Competence Call Center), Netino (Webhelp), autres spécialistes des community operations ?
 

Le petit local du début des activités, en plein centre de la capitale malgache, s’est agrandi mais il y règne toujours un mélange étonnant de silence et de va et vient, le jour et la nuit. Pas question de dormir ici, puisque la nature de l’activité impose de contrôler et de faire preuve de vigilance 24h/24. Interview, sans tabou, de Johan Le Bail, Associé chez Eufonie.

Une concurrence réelle, une date de fin de vie connue ou imaginable pour les activités. 

Johan Le Bail – © DR

Manuel Jacquinet : Votre périmètre d’activités s’est-il élargi depuis deux ou trois ans ?
Johan Le Bail : Oui. Nous ne sommes plus uniquement spécialisés sur la modération. Bien que cela représente plus de 50% de notre activité, nous proposons également de la relation client maintenant. Mais Meetic reste notre plus gros client. Nous travaillons parallèlement avec de grands acteurs du network professionnel, ainsi qu’avec des acteurs plus modestes liés à l’ubérisation de la société, comme Yoopies et FamiHero : services à la personne, services à la maison. Nous vérifions pour eux les diplômes des utilisateurs, nous relisons les annonces.

Avez-vous de réels concurrents ?
On ne ressent pas de concurrence vraiment directe, du moins pas sur le marché francophone. Les systèmes d’intelligence artificielle sont nos concurrents. On les rencontre chez nos propres clients. Ces systèmes se nourrissent des actions de nos modérateurs : une fois qu’ils ont suffisamment appris, ils remplacent l’humain sur certaines tâches. Ces systèmes dévorent donc une part de notre marché qui ne nécessite plus forcément une intervention humaine.

La société ADM Value, dirigée par Claude Briqué, est-elle une concurrente ?
En réalité non, car on se partage le client Meetic. Ils assurent la relation client, pas la modération et vice versa pour nous. Ils opèrent probablement des services de modération pour d’autres clients, cependant, je ne les ressens pas comme de réels concurrents pas plus que ne le sont Webhelp ou Teleperformance. Nous avons d’ailleurs élargi notre périmètre car il est difficile de ne vivre que de modération, surtout dès lors qu’une quasi date de péremption est identifiable en raison de la mise en place des systèmes d’intelligence artificielle.

Qu’est-il advenu de Besedo qui intervenait sur ce marché ?
Ils se sont fait racheter par une boîte qui fait de l’intelligence artificielle. C’est un exemple de la consolidation en cours dans notre métier, non pas entre différents acteurs mais entre différents systèmes de traitements. Cela va leur permettre, je suppose, d’étoffer et de solidifier leurs offres. 

La modération, késaco ?

Qu’appelle-t-on précisément la modération ?
Quand on parle de « modération », on parle de ce qui est nécessaire pour vérifier le contenu de ce qui va être affiché publiquement, et donc modérer les profils et annonces. On parle également de « police de site » (website policy) lorsque l’on fait le contrôle des comportements (behavior control) notamment sur une plateforme où les utilisateurs communiquent entre eux. On s’occupe des plaintes, des agressions verbales, des insultes et des comportements répréhensibles (tels la prostitution).

En combien de langues proposez-vous le service ?
En cinq langues, et surtout 24h/24, 7j/7. C’est notre point fort, sachant que cela reste rare même chez des grands acteurs localement, comme Teleperformance. Ces-derniers n’ont pas cela au catalogue. Une telle disponibilité incite les clients à nous faire confiance, car le délai de modération et de traitement est rapide, constant, ce qui est très important.



Le RGPD a-t-il eu un impact pour vous ?
Oui, forcément. Quelques impacts réglementaires, notamment au niveau des papiers et documents, mais seulement minimes, car nous proposions déjà des services conformes à la loi. Ça ne change pas notre façon de travailler. On ne stocke pas les données. Il n’y a pas de serveur, on travaille avec des extranets hébergés chez le client ou en France, auxquels on accède avec des mots de passe sécurisés.
Pour illustrer ceci, un exemple :  nous travaillons avec un vendeur de lentilles en ligne et parfois, nous avons besoin de l’ordonnance du client pour choisir le bon produit. Dans ce cas, il a fallu demander l’autorisation à la CNIL car nous avons accès à des données de santé reconnues comme des données sensibles. Telles l’orientation sexuelle ou la religion des utilisateurs, ce qui peut être très touchy (sensible).

Vos services de modérations se facturent-ils à l’heure, au profil modéré ?
À l’acte, c’est-à-dire au profil modéré lorsque la société génère beaucoup d’activité : c’est ce que nous appelons une « opération mature ». On facture au forfait lorsque l’on traite un seul profil par mois, que l’on doit gérer dans la minute.
Il nous faut prévoir le volume du mois suivant afin d’avoir les équipes suffisantes pour pouvoir mettre en place les plannings. Comme on travaille avec des utilisateurs, on doit faire en sorte de gérer parfois des comportements imprévisibles. Il faut étudier ces comportements de masse, les traduire en statistiques exploitables afin de mieux pouvoir s’organiser et de créer des grilles de facturation cohérentes.



Comment es-tu tombé dans la marmite de ces activités, récentes et atypiques ?
À la base, j’avais un profil de spécialiste de relation client, maitrisant plutôt bien internet. Le directeur général actuel de la société était mon boss dans une autre boîte auparavant ; il a donc pensé à moi quand il y a eu besoin d’un profil pour ce poste.
L’objectif, au tout début des activités de modération, était de rendre propre tout ceci car tout cela rimait un peu trop avec 3615 ULLA. La nouvelle plateforme qu’imaginait à l’époque Marc Simoncini (fondateur de Meetic) imposait que n’importe quelle femme puisse assumer être sur Meetic au milieu d’un diner. Qu’elle n’ait pas l’impression de faire du minitel rose, que ce soit sentimental et non vécu comme une histoire de c.. On devait éloigner l’image de Meetic le plus vite possible des 3615 ULLA, ériger une frontière et ça a bien fonctionné d’ailleurs. C’est comme en boite de nuit, qu’importe le son, s’il n’y a pas de femme, personne ne viendra.

A savoir :

CCC, Competence Call center, l’entreprise autrichienne, collabore avec Facebook pour assurer des activités de modération ou de gestion des communautés. Elle emploie dans cette activité et notamment à Barcelone et sur d’autres sites en Europe, plus de 3000 modérateurs. Martin Ott, l’un des dirigeants de Facebook en Europe, a retenu l’entreprise parmi d’autres, fin 2017, pour vérifier les contenus publiés sur sa plateforme. Les règles de modération ont fait l’objet de nombreuses polémiques, en 2018, notamment après qu’un article du New York Times a indiqué qu’elles n’étaient pas si rigoureuses qu’imaginé.

 

Propos recueillis en avril 2018,
par la rédaction d’En-Contact

En savoir plus sur la relation client à Madagascar.
En savoir plus sur Marc Simoncini.

Voir notre dossier sur la Modération, ici.

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