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Les services publics auraient amélioré leur service client bien plus vite que le secteur privé

Publié le 04 janvier 2012 à 14:44 par Magazine En-Contact
Les services publics auraient amélioré leur service client bien plus vite que le secteur privé

Dans son point de vue publié dans l’Express, Philippe Manière tacle des entreprises comme Pixmania, SFR et la BNP, qui feraient moins bien en matière de service client que Pôle Emploi ou les impôts.

Quand le public s’amende et que le privé s’enlise 
Philippe Manière
L’Express, 26 juin 2011

Les manuels d’économie sont formels : parce qu’ils sont en monopole et soumis à des syndicats surprotégés qui font passer l’intérêt des agents devant celui d’usagers captifs, les services publics sont condamnés à livrer des prestations médiocres. Symétriquement, parce que la satisfaction du client – clé de la loyauté – est indispensable à leur croissance et à leur rentabilité, les acteurs privés n’ont pas d’autre choix que de se mettre en quatre pour lui. La démonstration ne souffre pas la réplique. Mais alors, comment se fait-il qu’il soit désormais si simple de déclarer ses revenus en ligne ou de faire renouveler sa carte d’identité, que les rendez-vous à Pôle emploi aient tant gagné en efficacité et en humanité et que la gestion des files d’attente ait formidablement progressé aux guichets de la Poste ou de la SNCF ?

Pourquoi, surtout, est-il devenu presque impossible d’avoir, avec nombre de prestataires privés, des relations saines marquées par le respect des engagements, et même, encore plus troublant , de la simple logique élémentaire ? BNP Paribas est capable de facturer imperturbablement 50 euros par an pour l’usage d’un minitel parti à la décharge il y a beau temps, SFR vous recommande une offre qui n’existe plus ou une solution qui n’est pas encore disponible, Pixmania livre tout tout de suite – mais pas forcement le bon objet ou alors bien plus tard que convenu : ce n’est pas avec la Poste ou les impôts que nous devons nous battre quotidiennement sur le mode du pot de terre contre le pot de fer, mais avec notre opérateur de téléphonie mobile, notre fournisseur d’accés Internet, notre banque, notre assureur ou notre site marchand- également horripilants. Essayer, simplement, d’obtenir son dû ou des explications, c’est se condamner à des heures d’échange inutile avec un « conseiller » obséquieux mais dressé par sa « formation » à ânonner des réponses pavloviennes.

Cet échec de l’économie de marché – car c’en est un ! – ne saurait faire oublier son extraordinaire succès en termes de mise à la disposition du plus grand nombre de services toujours plus performants. Il n’empêche, il y a là un mystère sur lequel les économistes ne sont guère diserts. Une partie de l’explication est purement triviale. Loin de l’imagerie de bolides agiles tendus vers le succès, nombre d’acteurs du secteur des services sont en fait des monstres de bureaucratie impuissants à contrôler leurs sous-traitants et corsetés dans une informatique kafkaïenne. Mais les prestataires défaillants vivent aussi, bien souvent, dans un douillet oligopole. Les clients répugnent à engager des démarches chronophages qui permettraient seules d’échapper à leur prestataire, la concurrence, faute de menace réelle, reste virtuelle. Il ne faut donc pas s’étonner que ses bienfaits demeurent cachés…

Sur un marché dynamique ou largement captif, on peut certes prospérer sans se préoccuper de la qualité de ses services autrement que sur le mode publicitaire. Mais, dans un monde incertain où le ticket d’entrée des nouveaux inscrits est fortement réduit par la magie de l’Internet et où les politiques peuvent soudain donner un écho retentissant à une crispation de l’opinion, les prestataires privés qui, par paresse ou par cynisme, ne misent que sur la « viscosité » de la clientèle (appellation pudique de sa résignation à la maltraitance) risquent d’avoir un jour de bien mauvaises surprises ! Il est piquant de penser que ceux d’entre eux qui souhaiteraient s’amender pourront suivre la voie d’administrations comme le Trésor ou la Poste que rien, en théorie, n’obligeait pourtant à bouger.

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