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Les centres de contacts de la Fnac cédés à B2S, le coup gagnant ? Pour qui ?

Publié le 09 mai 2016 à 13:54 par Magazine En-Contact
Les centres de contacts de la Fnac cédés à B2S, le coup gagnant ? Pour qui ?
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Alexandre Bompard – Président-directeur général de la FNAC

Alexandre Bompard est paraît-il un grand amateur de tennis et dans quelques jours démarrera la période des grands tournois de tennis sur terre battue. En choisissant de céder, après une consultation sur laquelle les plus grands prestataires de centres d’appels s’étaient positionnés, les deux sociétés qui assurent le service client et le SAV de la Fnac – à la société B2S, réalise t’il un coup gagnant, et si oui pourquoi ? le fait-il au détriment des salariés ou pour de mauvaises raisons ?
Selon qu’on tend l’oreille vers les syndicalistes, la presse du soir (voir l’article du Monde) ou les deux dirigeants impliqués, la réponse diffère.
En-Contact vous livre quelques clefs de lecture.

Des ex-salariés de la Fnac qui joueront demain… sur le central !

En déménageant de Gagny à Gennevilliers, sur l’un des grands centres de B2S, les salariés concernés conserveront leur niveau de rémunération, leurs clients, leur métier : ce type de reprise est parfaitement encadré par le droit et le code du travail. Quelques syndicalistes ont essayé d’échauffer les esprits, comme de coutume dans ces cas-là, mais il leur sera difficile de faire croire que le « bagne » attend les 200 salariés qui rejoindront un des groupes leaders du marché des centres d’appels en France, qui a par le passé réalisé avec succès des opérations autrement plus significatives.
A l’instar de l’autre finaliste sur la compétition, le groupe CCA International désormais dirigé par Patrick Dubreil, les sociétés françaises du « top ten » ont démontré par le passé que la reprise de centres internalisés, lorsqu’elles étaient sainement motivées étaient pérennes et fructueuses : Yves Rocher, qui céda voici quelques années ses centres à Data Base Factory, (désormais repris par CCA international ) ou encore Aviva qui céda en 2002 sa filiale Symphoning à B2S dont ils sont toujours clients, se félicitent de leur choix.
Seul l’exemple de SFR, qui céda des activités de service client à d’autres acteurs du marché, a laissé un souvenir plus mitigé.
Le «risque» pour ces salariés ? Celui peut-être de gagner en qualité de management : c’est chez les spécialistes de l’outsourcing que l’on trouve les meilleurs directeurs de centres d’appels, superviseurs, formateurs ; non pas parce que de tel profils  seraient absents des centres internes mais parce que l’environnement, très concurrentiel du marché de la sous-traitance en relation client, oblige les cadres de premier niveau à améliorer leur niveau de jeu, quotidiennement. Pour reprendre une image, le bon élève brillant et doué a plus de chances de parvenir au « top » de ses habiletés et d’exploiter ses dons en… rejoignant les classes préparatoires les plus exigeantes.
Il y souffre, c’est certain, mais quelques années plus tard reconnait souvent que ce furent des années uniques de formation.
La fréquentation depuis des années des plateaux de centres d’appels et du milieu oblige à ce double constat.
Pratiquer le métier superviseur de plateau spécialisé en télévente en appel sortants … c’est être dans l’antichambre de l’équipe première.
Quantité de cadres du secteur sont passés ou ont démarré leur carrière chez Teleperformance, le leader mondial du secteur. Daniel Julien, son fondateur, a quasiment inventé le métier et la proximité professionnelle avec le bonhomme semble avoir eu un effet positif sur de nombreux ex-salariés du groupe.

Maxime Didier - Président du groupe b2s
Maxime Didier – Président du groupe b2s

Passing shot décroisé de revers pour Jimmy  Connors Bompard

Evoquez le mot de centres d’appels avec certains journalistes de la presse ou de radio, et très vite… quelques images d’Epinal surgissent : pause pipi chronométrée, harcèlement, écoute sauvage… Si vous y ajoutez le contexte du rachat finalement transformé de Darty, l’amalgame est vite réalisé qui consiste à supposer que la cession des activités de service client de la Fnac serait commandée par une volonté d’économies.
C’est malheureusement tordre le coup trop violemment au réel : la logique de cette opération s’impose de manière indépendante à ce rachat et de tels projets sont en réflexion dans tous les grands groupes français qui s’interrogent sur le meilleur schéma pour élever le niveau de leurs opérations de hot line, service commercial en ligne : Accor a songé voici quelques années à opérer le même type de cession, le Club Méditerranée l’a réalisé.
Et comme ce type de cession est adossé au contraire à la mise en place d’un contrat de prestation entre la Fnac et B2S, sur plusieurs années, la réduction de charges d’exploitation n’est certainement pas l’objectif initial ni majeur du projet.
C’est sur l’expérience client, le click-and-collect, le développement de ses gammes que la Fnac doit aller chercher et titiller son  premier concurrent : Amazon. Etre et demeurer « focus », comme le signalent et le prônent souvent les Américains ne garantit pas le succès mais peut permettre de se concentrer, et l’appui sur des spécialistes du service client peut par exemple permettre au contraire de tester plus vite, à moindre frais les nouvelles technologies.
Le tchat par exemple, devenu un nouveau canal de conversation dans les stratégies omnicanal, est plus simple à installer, tester, optimiser lorsque vous disposez de services mutualisés pour permettre, tard le soir, l’engagement d’une conversation sur votre site e-commerce.
C’est un revers à deux mains, à plat, que réalise selon nous Jimmy Bompard Connors; dont quantité d’autres grandes sociétés françaises devraient s’inspirer : notre pays, comparativement à d’autres, est en retard sur la proportion de services clients qui est externalisée – sans que ceci soit synonyme de qualité supérieure.
Qui sait que des champions reconnus de l’expérience client tels Amazon, Apple… Uber externalisent les opérations de vente en ligne, de service client multi-canal de niveau 1 et 2 et… souvent d’ailleurs à des groupes français… ?

Volée gagnante pour Vitas Didier Gerulaitis

Il traîne moins en boîte de nuit, ne porte pas de bandana et la désinvolture n’est qu’apparente chez Maxime Didier, le patron qui semble tombé dans la marmite du centre d’appels il y a précisément 20 ans !
En clair, celui-ci ne partage avec l’illustre joueur des années 1980 qu’une caractéristique de jeu : la passion pour les coups gagnants, alors qu’on le croit distrait par un spectateur en tribune.
En quelques mois, alors que la vie du groupe qu’il a fondé en 1996, n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, c’est un cycle gagnant que semble connaitre le groupe B2S depuis 3 ans : victoire sur le grand appel d’offres pan européen Nissan, croissance soutenue… en rentrant avec cette opération par la grande porte dans le secteur de la distribution (le retail), c’est une volée gagnante au filet que le quadragénaire, également président actif du syndicat du secteur (le SP2C) réalise.
Avec l’aide de Fréderic Donati, professionnel reconnu (il dirigea ceux de Neuf Telecom), la paire B2S gagne ce premier grand match de la saison.
L’appétit vient en mangeant, la paire vise t’elle la victoire à  Wimbledon dans quelques semaines ?
« La distribution a compris que le meilleur service client, et la vente en ligne efficace associées à un réseau de magasins dense, c’est l’avenir ; nous n’étions pas assez présent dans le secteur et nous nous renforçons d’une équipe et de talents réputés » indique le PDG du groupe.

C’est une histoire à suivre, que méditera dans la tribune le seul « perdant »  du match : la société Eodom qui avait, voici deux ans, remporté le marché du débordement des centres d’appels de la Fnac. Avec cette opération, c’est un marché important pour elle que la société, spécialisée dans le homeshoring va voir ou risque de voir s’échapper : le passage en quart de finale s’annonce compliqué mais… dans le secteur des centres d’appels les joueurs sont teigneux et ne manquent pas de talent.

Une analyse de Manuel Jacquinet

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