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Arte Povera ? Non : ArtNova. L’ex boss de Webhelp accélère dans le secteur Arts et Culture

Publié le 22 octobre 2020 à 15:20 par Magazine En-Contact
Arte Povera ? Non : ArtNova. L’ex boss de Webhelp accélère dans le secteur Arts et Culture
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Frédéric Jousset dans ses bureaux de Mayfair – 2016 © Edouard Jacquinet

Les milliers de téléconseillers qu’il emploie dans le secteur qui a fait sa fortune ( les centres d’appels) ne savent certainement pas ou pas tous  ce qu’est un fonds d’investissement. Qu’importe. Une bonne nouvelle est tombée ce jour : ils pourront peut-être solliciter une aide pour leur première oeuvre. 

Frédéric Jousset a en effet annoncé hier deux choses importantes: qu’il quittait son rôle opérationnel dans la direction de Webhelp, l’entreprise qu’il a créée ; et qu’il dotait de la somme de 100 millions d’euros ArtNova, le fonds d’investissement dans la culture et les arts, son nouveau bébé. Après avoir répondu au plus grand nombre, l’ex HEC veut toucher le plus grand nombre. Il saura le faire en omnicanal, sans aucun doute. Fidèle à nos habitudes, nous avons tenté de joindre la direction d’ArtNova. Numéro de téléphone difficile à trouver mais en passant par Beaux-Arts Magazine, le transfert d’appels a bien fonctionné. Le président a du métier ?
NPS après un premier et seul contact au standard de Beaux- Arts Magazine : 8.

#Citizen Kane//

Frédéric Jousset, co-PDG et cofondateur de Webhelp (Interview réalisée en Novembre 2013)

Tandis qu’Arnaud (Montebourg) et sa copine Fleur (Pellerin) s’agitent à tout va pour… essayer de faire croire qu’ils peuvent changer quelque chose au Big Data, au développement d’une filière numérique, à la relocalisation en France d’activités – si possible – industrielles, etc., etc., quelques « croisés » de l’industrie du service client sont partis faire leurs emplettes ailleurs et cherchent à développer leurs entreprises sous des cieux plus cléments… ou dans des pays qui s’occupent de croissance – vraiment. Frédéric Jousset, cofondateur de Webhelp, ne s’y est pas trompé, qui est allé porter ses pénates dans le swinging London. Mais il n’a pas, en prenant l’Eurostar, perdu ses réflexes ni son franc-parler.
Amateur de belles choses ? C’est au Royal Monceau et à la veille d’un événement familial heureux (Frédéric Jousset est désormais marié) qu’on l’a rencontré. Si c’est dans un château de Touraine très lié à l’histoire de France qu’il a convolé, c’est depuis les headquarters de Mayfair qu’il pilote l’aventure anglaise et européenne du numéro 3 français des centres d’appels, bien décidé comme son binôme désormais Bruxellois (Olivier Duha) à mettre sur orbite européenne – puis mondiale ? – l’entreprise qui a fait la fortune des deux ex-complices et collègues de chez Bain & Company.

Vous êtes installé à Londres depuis quelques mois désormais, quel regard porte-t-on sur la France et les débats qui agitent notre pays depuis le Royaume-Uni ?
Je passe encore deux jours par semaine à Paris, mais je suis installé le reste du temps à Londres. Ce qui me frappe surtout c’est la créativité architecturale et la transformation qu’a connue Londres, notamment grâce aux travaux liés aux Jeux Olympiques. A Paris, l’habitat c’est encore Haussmann et ses immeubles ; les dernières tentatives de modernité datent et sont peu nombreuses : la pyramide du Louvre, l’arche de La Défense. On a au contraire le sentiment à Londres d’une transformation réelle. Ce dynamisme se retrouve sur le plan social car la ville m’apparaît beaucoup plus internationale que Paris en réalité : c’est vraiment un village global où toutes les nationalités se côtoient… dont d’ailleurs quantité de Français, presque 350 000. C’est souvent plus simple de trouver Le Figaro ou Libération à Londres qu’ici. L’option prise par le gouvernement en matière de réduction des dépenses et de relance est enfin radicalement différente de celle en vigueur en France. Pour couper dans les dépenses publiques, on fait un large recours à l’ « outsourcing » : bus, collectes des amendes, transports, tout a été confié à des prestataires privés. Dans le même temps, j’ai été stupéfait par l’importance accordée au « Royal baby ». Pas un journal qui n’y ait consacré trois ou quatre pages.  C’est stupéfiant. De la même manière, à Londres, on sait que ce sont les entrepreneurs qui créent les emplois, qu’il faut réduire ses dépenses. Les Britanniques ont inventé beaucoup de sports collectifs, c’est peut-être la raison pour laquelle ils sont attachés à la règle du jeu, une fois qu’elle a été définie.
SI je devais résumer ce « gap » entre la France et le Royaume-Uni, je dirais que les Britanniques ont une croissance plus dynamique, plus créative que la nôtre, et que les Britanniques ont une plus grande capacité à… se faire du mal pour atteindre l’objectif qu’ils se fixent.

La presse évoquait récemment votre départ, ainsi que celui d’Olivier Duha, à Bruxelles en ce qui le concerne, ainsi que des changements dans l’équipe de direction. Est-ce un nouveau cap pour Webhelp ou une semi-retraite ?
Pas du tout, il s’agit surtout d’un moment excitant qui correspond à une nouvelle stratégie pour l’entreprise. Nous restons une entreprise française, mais qui a désormais une ambition européenne : faire partie du top 3 des acteurs européens de ce marché. L’acquisition de Hero TSC participe de cette ambition et s’avère un réel succès puisque nous ferons 15% de croissance sur le marché anglais en 2013, soit une croissance deux fois supérieure à celle du marché.
Nous avons pris pied en Afrique du Sud avec un centre installé au Cap qui atteindra en fin d’année 500 postes de travail, au sein duquel nous travaillons pour Everything Everywhere (ndlr : le plus gros opérateur mobile au Royaume-Uni). Neuf mois après cette acquisition significative, je pense que nous avons réussi une chose : maintenir la culture de Hero TSC et donc l’ambition de ceux qui la développent. L’appétit vient en mangeant, d’autant que la renégociation de la dette du groupe cet été nous a permis de disposer d’une capacité supplémentaire d’investissement de 100 millions d’euros. Note conviction est simple : les marques, les opérateurs télécom par exemple, vont dans les prochaines années réduire le nombre de leurs fournisseurs et prestataires en matière de relation client. Quel sens y a-t-il pour un opérateur tel que Vodafone à disposer et recourir à 70 « suppliers » sur l’Europe ? Au contraire, et nous en avons un bel exemple au Royaume-Uni, il y a un réel bénéfice à travailler à une « expérience client différenciante ». C’est ce que permettent des relations clients-prestataires pérennes, qualitatives.
J’ai été très surpris et positivement surpris que nous soyons engagés avec des contrats exclusifs et d’une durée de six ans avec certains de nos clients en Angleterre. Cela permet de travailler dans la durée et croyez-moi, cela vaut bien mieux qu’un donneur d’ordres qui n’a qu’une seule envie en comité de pilotage : vous faire sentir que vous n’êtes pas bon sur tel ou tel indicateur, comme un petit chef. Les relations clients-fournisseurs me semblent plus matures.

Vous ne retrouvez pas le même type de coopération au Royaume-Uni ?
Non, je constate au contraire une maturité dans la relation commerciale bien différente et qui autorise du coup de vrais investissements. Lorsque je suis arrivé sur le site de Hero TSC, j’ai été stupéfait de rencontrer des « ingénieurs en relation client », de découvrir des « discovery labs » par exemple, ou de voir que pour bien servir leur client, Sky (ndlr : bouquet de chaînes par abonnement), on a recréé sur un des sites une pièce complète d’un appartement afin que le téléconseiller se mettre complètement dans la tête et l’état d’esprit de celui qui va l’appeler.

Imaginons que vous reveniez à HEC ou au Lycée Stanislas, établissements que vous avez fréquentés, et que vous deviez y tenir un discours à l’attention des jeunes diplômés. Quel serait votre « stay hungry, stay foolish* » ?
Je n’ai malheureusement rien qui me permette de me prendre pour Steve Jobs ! Je leur dirais simplement que dans la vie professionnelle les règles académiques ne sont pas les mêmes qu’à l’école. C’est même souvent tout l’inverse de ce que l’on a appris qui prévaut. La date d’examen ? On ne la connaît pas, c’est tous les jours. Il n’y a pas un prof qui vous note mais 50 : vos clients, collègues, collaborateurs, fournisseurs. Et à 360 degrés. Les coefficients aux matières ? Il n’y en a pas, tout est important. On peut être bon sur 90% des sujets et se faire « carboniser » à cause d’une présentation powerpoint ratée. Et si on croit réussir tout seul, c’est tout l’inverse qui est vrai : en entreprise, c’est l’équipe qui fait gagner. A l’école en France, on développe des « hard skills » et ce sont souvent les « soft skills » et les « social skills » qui sont décisives dans le monde professionnel aujourd’hui.

Qu’avez-vous appris d’essentiel au travers de vos différentes expériences professionnelles ?
(Sourire) D’abord, que finalement les règles du commerce n’ont pas tellement changé depuis l’époque des Phéniciens** : il faut vendre à des clients de plus en plus nombreux, qu’on cherche à satisfaire, des produits ou services plus cher qu’on ne les achète.
Aussi, que toutes les mathématiques que j’ai apprises ne servent quasiment à rien. Pour diriger une entreprise telle que Webhelp, si j’y réfléchis bien, j’ai besoin de savoir simplement additionner, soustraire, calculer un pourcentage. En de mettre en mouvement. L’entrepreneur, c’est celui qui met en mouvement.

Propos recueillis par Manuel Jacquinet


*Conseil de Steve Jobs aux étudiants de Stanford
** Originaires du Levant, les Phéniciens ont entre le 12e et le 4e siècle avant JC, à travers leur réseau de comptoirs, contrôlé presque tout le commerce méditerranéen. Leur réputation dans les affaires est encore connue aujourd’hui.

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