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De OVH à Vueling en passant par la SNCF, quand les Shadocks ressuscitent au service client…

Publié le 24 novembre 2017 à 16:32 par Magazine En-Contact
De OVH à Vueling en passant par la SNCF, quand les Shadocks ressuscitent au service client…

Ces trois entreprises qui ont récemment « maltraité » leurs clients, parfois involontairement, donnent un bon éventail des répliques et réactions qu’elles utilisent ensuite pour réparer les dégâts. Silence, plan de communication mais rarement message d’empathie réelle pour les clients. Un long chemin reste à faire…

Peut-on ajouter à la mauvaise qualité de service, à des incidents plus graves qui dégradent l’expérience client, passager, le silence, le mépris ou d’autres boulettes ?
C’est à cette question que doivent répondre les grands patrons, en bousculant leurs organisations, les habitudes. Vite, car les préjudices sont plus onéreux que les efforts et investissements qui sont à consentir.
Vueling, la compagnie low-cost, a fait vivre cet été un voyage Barcelone-Paris très douloureux à une passagère polyhandicapée qui n’a pas pu voyager dans le fauteuil qu’elle avait réservé.
Crises d’épilepsie, ton qui monte à bord, rien ne fût épargné à la fille d’Amarantha Bourgeois. Plus de 5 mois après l’incident qui a été largement relayé et démontre manifestement des défauts de process et d’information, aucun cadre de la compagnie n’a pris la peine de décrocher son téléphone. Aucun message ni même proposition de dédommagement.
Notre magazine a sollicité la direction générale de Vueling et leur agence de communication afin de savoir quelle suite elle donnait à ce « dossier ».  Réponse : la compagnie ne désire pas communiquer.

OVH, la licorne française qui a vu une partie de ses data centers tomber en rade voici quelques jours et a donc « planté » une grande partie des sites français qu’elle héberge pour le compte de ses clients, a été réactive à évoquer l’incident, à s’excuser via un communiqué officiel de presse. Mais, de propositions de dédommagement, pour l’instant, il n’est pas question ou sinon pour proposer des roupies de sansonnet comme l’indique la lecture des mails adressés aux clients concernés par ces pannes et que nous avons contactés. « Octave Klaba, ne répond pas aux mails, ni ses services clients et la direction de la communication est apparemment débordée. Nous attendons la réponse », nous indique une grosse PME.
Une précision : le directeur de la communication d’OVH, Grégoire Kopp est un ancien de chez Uber où il a occupé le même poste.

La SNCF fait-elle mieux ?

Tancée cet été pour se révéler incapable d’informer les voyageurs, rapidement, de la prolongation des pannes à Gare Montparnasse (des millions de passagers), la grande maison a annoncé ces derniers jours des investissements de plusieurs dizaines de millions d’euros pour faciliter ou créer les services d’information des voyageurs. En parallèle et dans l’attente de la concrétisation de ces services, son service G30 (de remboursement des voyageurs) connait aussi quelques gros loupés : ce matin, expérimentant une nouvelle utilisation de ce service (sans être mesquin, les occasions sont nombreuses d’aller sur ce site, tant les retards sont fréquents sur les lignes TGV), le signataire de ces lignes a souri en constatant que son retard de 1H40 sur le Paris-Toulouse, train 8501, le 22 novembre est mentionné comme ayant connu un retard de 4 minutes. Aucun dédommagement n’est possible tant que ce bug manifeste de comptabilisation du retard soit rectifié.

Ces 3 exemples récents démontrent que les grandes sociétés, entreprises ont encore une fâcheuse habitude et notamment celle de penser que le silence, la communication rapide mais non suivie d’effet, ou le calcul digne des Shadocks constituent le tiercé gagnant pour améliorer l’expérience client, post-douleur. Ça rappelle un peu la saignée pratiquée par les docteurs et évoquée dans les pièces de Molière. Mais d’autres ne considèrent pas que les clients qui se plaignent sont des malades imaginaires et… engagent des moyens ou se mettent en quatre pour engager la conversation avec les clients maltraités : la Fnac fait rappeler depuis des années ses clients assez mécontents (ayant donné une note négative au NPS) par ses directeurs de magasins.

Europcar a engagé un plan NPS 110 pour faire la différence sur le service client. Brico Privé, une PME qui a parfois du mal à livrer ses perceuses à l’heure ou ses gros outils de bricolage (en raison de son modèle de ventes privées) n’hésite pas à appeler ses clients, quitte à ce que l’explication soit houleuse. La croissance occasionne des soucis parfois mais on peut rectifier le tir. Dans tous les cas, le dialogue honnête avec les clients s’avère profitable : pour s’expliquer, faire un geste, conforter l’engagement et aussi et surtout, améliorer ses process ensuite. Pour éviter aussi les désagréments et situations conflictuelles que vivent ceux qui sont en front-line avec les clients ou usagers ensuite. Ces désagréments représentent des coûts cachés non négligeables.

Pourquoi hésiter donc à faire ces démarches simples, rapides à mettre en œuvre ?

L’une des personnes interviewées pour la rédaction d’un livre sur ce sujet (qui paraîtra le 8 décembre : Le livre noir du service et de l’expérience client, disponible sur Fnac.com et surMalpaso.org) l’explique avec ses mots imagés : « La ligne 13, tant que vous ne l’avez pas prise le matin, entre la Fourche et Mairie de Saint-Ouen, vous ne savez pas vraiment ce que signifie l’expérience voyageur. Idem quand vous essayez pour la énième fois de vous laver les mains dans les toilettes de TGV (où l’eau ne coule pas) et que vous vous demandez pourquoi. Si vous n’avez jamais travaillé dans un centre d’appels, au service réclamations ou gagné votre vie en tant que livreur, peut-être n’avez-vous pas accumulé suffisamment de rage ou d’idées pour être convaincu qu’il faut bouger les choses. Une grande partie de ceux qui parlent, communiquent sont dans un monde irréel, qui n’est pas celui de leurs clients. Ils sont chloroformés, gavés de stock-options ou ont abandonné l’idée qu’on peut changer les choses. C’est pire que tout. Et ça ne fait que différer le problème mais bon… »

Chez Zappos, (filiale d’Amazon), tous les salariés doivent, PDG compris, travailler dix jours au call center, durant les fêtes de Noël. Chez Orange, même initiative. On demande aux cadres de venir aider aussi en boutiques, lors des fêtes de Noël. « Mais c’est une proposition qui est faite aux salariés », indique Laurence Thouveny, directrice des boutiques en France. 2 000 personnes choisissent de le faire. La différence est peut-être dans ce détail : parler à des vrais clients, vivre leur vie de clients, sans fard, sans caméra est-il encore une option quand il faut tout revoir, disrupter, comme on l’entend partout ?

Le réveil matin est parfois sonné par les actionnaires ou les marchés qui sont en fait les seuls clients qu’entendent souvent quantité de dirigeants : il a fallu que son cours de bourse soit « massacré » récemment pour que Patrick Drahi (Altice) indique qu’il allait « mieux s’occuper de ses clients ». Ou que N26 arrive enfin pour que les banquiers passent la deuxième vitesse.
Qu’Uber arrive et installe des standards tels que la bouteille d’eau ou l’ouverture de la porte au client… G7 a depuis réagi.
La Bourse qui sanctionne ou des clients en capacité de se révolter ou de fuir à la concurrence, voire de maudire votre marque sur les réseaux sociaux, voilà bien malheureusement les seuls déclencheurs souvent de véritables plans d’amélioration de l’expérience client. La capacité à bouger dans de nombreuses entreprises est encore gouvernée avec un principe qui ressemble à la réplique célèbre du film « Le bon, la brute et le truand » : « Dans la vie, tu vois, il y a ceux qui ont le pistolet et ceux qui creusent. Et toi tu creuses. »

 

 

Par Manuel Jacquinet

 

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