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Cyril Brulé, passager clandestin ?

Publié le 13 février 2019 à 13:02 par Magazine En-Contact
Cyril Brulé, passager clandestin ?

Dans l’industrie un peu folle parfois de la mode et du mannequinat, il a fait son chemin. S’est installé souvent où on ne le l’attendait pas, mais toujours en prenant soin de ses clients et de leurs attentes.

Il n’est pas arrivé au sein de ce Beaupassage (un nouvel espace unique au sein du 7ème arrondissement de Paris, regroupant des commerces de bouche notamment) pour y goûter du bon café ou une bonne viande mais le calme, tant recherché et espéré après des années de fréquentation du 1er arrondissement de Paris. C’est là, à proximité de Chanel et d’autres grandes maisons de couture et de luxe, qui sont les clients de son agence (Viva Model Management) qu’a germé l’idée d’un endroit et de bureaux où les mannequins et leurs bookers (les professionnels qui gèrent les contacts et la mise en relation entre les clients et ces dernières) seraient tranquilles et plus heureux et sereins donc de venir au travail ou se présenter. Cyril Brulé croit au bien-être des collaborateurs ou des jeunes femmes dont il est amené à gérer la carrière, aux ruptures qu’il importe parfois d’installer.

Cyril Brulé – © Edouard Jacquinet

Manuel Jacquinet : Installer le siège de son agence de mannequins au beau milieu d’un passage plutôt commercial, dédié notamment à la gastronomie mais également à l’expérience artistique, hasard ou nécessité ?
Cyril Brulé : C’est le fruit d’une longue recherche que ma femme m’a permis de boucler, en partie par hasard. J’en avais assez du quartier où nous étions installés, où se succédaient sans arrêt des travaux, gagné par le tourisme et les achats frénétique associés. Dans la rue, on se heurtait sans arrêt à.… des sacs de grands magasins poussés par des gens qui les portent, le tout dans un brouhaha permanent de marteau piqueurs. J’étais donc parti à l’aventure dans le Haut marais, à la recherche d’un lieu vaste, clair et tranquille que je désespérais de trouver quand, grâce à mon épouse (elle faisait de son côté ses propres recherches pour un projet professionnel) je suis arrivé ici. J’ai tout de suite été conquis. L’affaire a pu se conclure après quelques coups de fil même si dans l’idée du promoteur, ce local nu dont nous avons pris possession n’était pas a priori destiné à quelqu’un de mon secteur. Dans ce métier, que j’ai rejoint un peu par hasard (Cyril a été lui-même mannequin puis a pris en charge une filiale d’Elite qu’il a redressée puis rachetée), je crois depuis longtemps que c’est le long terme qui importe et que l’un de vos véritables clients est en réalité le mannequin : cette jeune fille, jeune femme qui s’en remet à vous, un jour, parce qu’elle est jolie, grande, qu’on l’a repérée etc. Mais une carrière de ce type nécessite du temps, de se dire la vérité et des choix parfois drastiques. Refuser des pratiques qui ont cours, ériger des principes et les faire respecter. Lorsqu’une jeune femme n’est pas retenue par un client, il est souvent préférable de lui dire pour quelles vraies raisons plutôt que de mentir.
Les autres rouages essentiels sont les bookers qui sont amenés à jouer le rôle difficile d’interfaces, de négociateurs des contrats, de confidents aussi. Pour ces deux éléments clés dans une agence, je crois fermement que le lieu où ils travaillent, les conditions dans lesquelles nous collaborons tous les jours contribuent au succès, à la qualité des relations et à leur sérénité. In fine, c’est profitable pour tout le monde, dans une industrie qui peut marcher sur la tête parfois et dans laquelle la folie n’est jamais très loin.

On dit et constate qu’il y a une guerre des talents, dans tous les secteurs. La ressentez-vous également, comment tentez-vous de la gagner ou de ne pas la perdre ?
En restant fidèle et ferme sur des convictions ou une vision de mon métier que je me suis forgées après avoir eu l’occasion de le découvrir de l’intérieur. Pas de drogue, pas de bookers achetés par des marques ou des partenaires, priorité à la transparence qui seule crée des fondations solides. Si tu as des boutons et que, le jour du shooting, tu n’étais pas au top, on te le dit. Tel photographe star ou designer a des caprices qu’on connait ? On s’y prépare voire on les refuse d’emblée de jeu. La clé est de savoir accompagner des jeunes femmes qui ne connaissent rien de l’industrie dans laquelle elles mettent les pieds et de les considérer, voire de les faire respecter. De leur imposer ou expliquer également les règles qui s’appliquent ou que je crois essentielles : arriver à l’heure, être bien élevées. Et avec nos clients, de leur fournir un service dont ils seront satisfaits. Le booker et tous les autres services de l’entreprise y contribuent d’ailleurs, également : si le contrat est clair, bien rédigé, que nous sommes à l’écoute, nous serons en mesure de produire le service qui nous est demandé. Un bon booker, de son coté, doit accepter de répondre à des appels tardifs, se rendre disponible, disposer de la finesse psychologique pour écouter, soutenir, rassurer. Il est l’interface souvent unique des mannequins à des moments clés. Donc, le danger est également de se faire piquer les pros de ce métier, lorsqu’ils ont été bien formés.

Vos clients « internes » sont donc ces deux catégories, aux talents rares et recherchés mais également des marques très puissantes, presque hégémoniques. Y a-t-il une asymétrie des relations commerciales avec ce type de clients ?
Je n’y crois pas vraiment même si nous restons à notre place. Les mannequins que nous représentons sont en exclusivité chez nous, ce qui crée une forme de singularité et nous incite d’ailleurs à rechercher et fidéliser les vrais talents comme je l’expliquais plus haut. Mais lorsque nous avons songé (il en a été l’initiateur) à la création de la charte mannequins, en 2017, j’ai décroché mon téléphone et j’ai appelé les dirigeants de Kering et de LVMH. Tous deux m’ont reçu et ont œuvré pour que cette charte s’impose et soit respectée. Tout a changé, tout est possible notamment en raison des réseaux sociaux ou digital qui provoque des bouleversements considérables et nous le constatons tous. Pour autant -dit-il en souriant- les agences digitales où s’affichent des photos de mannequins que vous pouvez choisir ou retenir d’un clic ne remplaceront pas le service que nous rendons, si nous lui donnons une réelle consistance.

Quel bilan dressez-vous de cette installation Rue de Grenelle ? (L’endroit où est installé Beaupassage.)
Nous avons installé un endroit pour prendre sa pause repas ou la préparer. A côté, on trouve du très bon café et des terrasses agréables et un choix de nourritures varié. Et ces mêmes artisans sont heureux, je crois, de savoir leurs commerces ou terrasses fréquentées par des jolies filles. Ça participe, j’en suis sûr, de l’expérience d’une visite au Beaupassage…

Créée en 2017, une charte à laquelle ont contribué Kering, LVMH et d’autres grands noms de la mode interdit l’emploi de mannequins trop maigres, impose la présentation d’un certificat médical et encadre les conditions dans lesquelles sont réalisés les castings ou les shootings. Les médias doivent également désormais mentionner l’utilisation de la retouche dans les photos.

Par Manuel Jacquinet


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