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Centres d’appels : le Maghreb attend Paris de pied ferme

Publié le 19 juin 2012 à 16:10 par Magazine En-Contact
Centres d’appels : le Maghreb attend Paris de pied ferme

Par Marie-Christine Corbier | 19/06 | 07:00 | Lesechos

Ce n’est encore qu’une intention du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, visant à rapatrier les centres d’appels en France (« Les Echos » du 13 juin). Intention confirmée à demi-mot par le directeur financier de France Télécom, Gervais Pellissier, qui, la semaine dernière, s’est dit « prêt » à un tel rapatriement, sous condition.

Au Maghreb, responsables politiques et économiques attendent le gouvernement français de pied ferme s’il poursuit dans cette voie. Au Maroc comme en Tunisie, où les centres d’appels représentent respectivement 40.000 et 15.000 emplois, la nouvelle n’a pas surpris, car elle avait déjà été évoquée durant la campagne précédant l’élection présidentielle. « Ce qui est surprenant, c’est que ce soit le premier secteur interpellé, alors que c’est là que le rapatriement est le moins justifié, déplore Youssef Chraïbi, président de l’Association marocaine de la relation client (AMRC). C’est un mauvais combat à mener, car les principaux bénéficiaires (de l’externalisation) sont les acteurs français. » Interrogé par « Les Echos », le ministre marocain de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies, Abdelkader Amara, espère que la France « en restera au niveau des souhaits ». « Au-delà des relations franco- marocaines privilégiées, il faut d’abord voir l’offshoring comme servant la compétitivité des entreprises françaises », affirme-t-il. « Les entreprises françaises seraient les premières perdantes et se tireraient une balle dans le pied, d’autant qu’avec l’arrivée du quatrième opérateur mobile (Free) elles ne sont pas au mieux de leur forme », renchérit Youssef Chraïbi. La Tunisie brandit les mêmes arguments. « Sur le papier, le rapatriement apparaît cohérent, souligne Alain Guettaf, membre de la Chambre syndicale nationale des centres d’appels et de la relation client, mais cela n’est pas réalisable quand on sait qu’une heure de téléopérateur coûte deux fois plus cher en France (20 à 25 euros) qu’au Maroc ou en Tunisie (12 à 14 euros). »

Logique de partenariat

Le patronat marocain va au-delà de la question de compétitivité et en appelle à « l’amitié » entre les deux pays. « Les relations franco-marocaines sont ancrées dans des enjeux très stratégiques, estime le directeur délégué de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Mounir Ferram. Il faut parler d’une cohérence globale des échanges et de la présence des grands groupes du CAC 40 au Maroc. Notre pays est un hub à partir duquel on peut aller sur les marchés du Maghreb, du Moyen-Orient et d’Afrique. Le modèle de Maroc Telecom et de Vivendi, qui prennent ensemble des parts de marché en Afrique, est un exemple à suivre. Nous ne sommes plus dans des logiques de délocalisation-relocalisation mais dans de nouveaux modèles de partenariat. » Un autre homme d’affaires va plus loin : «  Les entreprises françaises sont reçues au Maroc comme chez elles. A ce titre, elles engrangent des revenus importants et de gros contrats comme celui du tramway de Casablanca. La France n’a donc peut-être pas intérêt à taper en premier sur des pays comme le Maroc. On ne peut pas se dire ami et nuire à un secteur aussi stratégique pour le Maroc. » En Tunisie aussi, on s’interroge sur l’emploi : « Rapatrier les centres d’appels en France signifierait 5.000 à 10.000 jeunes en Tunisie sans emploi, glisse Alain Guettaf. Dans le contexte actuel, cela mérite réflexion. » Les uns et les autres prédisent toutefois que la polémique retombera. Comme en 2004 et en 2010, après les mêmes tentatives de rapatriement lancées par les ministres d’alors, Jean-Louis Borloo puis Laurent Wauquiez.

MARIE-CHRISTINE CORBIER

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