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« Ce qui fait vraiment, peur, c’est que vous ne pouvez jamais contacter personne » – quand la Cipav devient un enfer pour ses assurés

Publié le 13 juillet 2016 à 16:01 par Magazine En-Contact
« Ce qui fait vraiment, peur, c’est que vous ne pouvez jamais contacter personne » – quand la Cipav devient un enfer pour ses assurés

Appels de cotisations aux montants faramineux, prestations non versées, litiges interminables, courriers comminatoires ou tout simplement incompréhensibles, huissiers qui débarquent au petit matin chez les assurés sans raison valable… et « bien sûr », aucun « service client » joignable. Nous avons déjà raconté cette histoire dans En-Contact, et il s’agissait du RSI, la caisse de sécurité sociale des indépendants. C’est désormais la Cipav qui est pointée du doigt suite à un reportage d’une grande radio d’information du service public – et l’affaire est encore plus sérieuse.
Des centaines d’5349955-11-1-1740085108-545x460-autocrop-1affiliés à cette caisse de retraite, qui en comptait plus de 500 000 en 2012, issus de près de 300 professions libérales dont les auto-entrepreneurs, rapportent de graves dysfonctionnements – au point que pas moins de trois associations ont été constituées pour défendre les droits des assurés lésés.
La présidente de l’une de ces associations, Geneviève Decrop, résumait ainsi au micro de France Info :
« On a des gens qui se mettent sous neuroleptiques ou qui prennent des somnifères. Ils reçoivent un courrier où on leur dit : “Vous devez telle somme”, et puis une semaine après la somme a changé. Ils ne savent plus à quel saint se vouer. La manière dont la Cipav ne répond pas, envoie l’huissier, hors de toute procédure autorisée, avec des lettres de menace… en fait c’est Kafka ! ».
Dimitri Pincent, avocat des « victimes » rapporte des pratiques encore plus étranges : « On a des courriers qui ne sont absolument pas renseignés, c’est-à-dire que, dessus, on a l’identification du destinataire, une formule de politesse et c’est tout. Au début, ça fait rire l’adhérent mais quand il en reçoit deux ou trois comme ça, il rit jaune. Quelqu’un qui n’arrivait pas à faire valoir ses droits a reçu trois courriers de deux pages contenant uniquement des croix et des blancs. Il y a bien quelqu’un qui l’a mis sous enveloppe ! »

Man talking with a banana

Délits de favoritisme

L’historique récent de la Cipav donne plusieurs pistes pour comprendre comment la caisse en est arrivée à ce niveau d’incompétence. La Cour des Comptes s’était en effet déjà penchée sur la gestion de l’organisme dans un rapport publié en 2014. Déjà, la Cour dénonçait un « service déplorable » et une « gestion désordonnée ». En 2012, seules 48% des retraites des nouveaux affiliés au régime étaient versées en temps et en heure – pour 25% qui l’étaient avec jusqu’à six mois de retard et 27% avec un délai encore plus long. Pire, la Cipav n’avait alors toujours pas enregistré les droits à la retraite des autoentrepreneurs. Suite à l’audit de la Cour des Comptes, deux anciens directeurs de la structure gérant notamment la Cipav, Jean-Marie Saunier et François Durin, ont été condamnés pour « favoritisme » pour avoir passé plusieurs dizaines de millions d’euros de commandes sans aucun appel d’offres – notamment pour l’informatisation des services.
Et aujourd’hui, pour expliquer les incroyables dysfonctionnements du système l’enquête de nos confrères pointe précisément du doigt… un système informatique défaillant. Commandé en dehors de toute légalité sans appel d’offres préalable, l’outil aura coûté… 25 fois plus cher que prévu : 50 millions d’euros au lieu de deux !

Manuel Jacquinet

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