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Quand le Boston Consulting Group prend soin… des actifs de Bain Capital (mission Oscaro)

Publié le 13 décembre 2018 à 10:33 par Magazine En-Contact
Quand le Boston Consulting Group prend soin… des actifs de Bain Capital (mission Oscaro)

La restructuration en cours, menée chez Oscaro et pilotée par un spécialiste du conseil, Philippe Nobilé (du BCG), s’avère un POC (proof of concept) passionnant à quantité d’égards. Notamment sur l’arbitrage à faire, en période de crise, sur les deux indicateurs que sont le NPS (Net Promoter Score) et le CBR (Cash à débourser mensuellement).

Étape 1 : Bain Capital confie les clés au BCG*

Après une période de tourmente, le groupe Autodistribution a pris, en deux temps, le pouvoir et les clés (participation de 82,5 %) du leader français de la vente en ligne de pièces détachées. Son actionnaire de référence, Bain Capital a en effet créé une filiale adhoc (Parts Holding Europe) qui regroupe Autodistribution et Oscaro. Le management de transition a été confié à Philippe Nobilé, un associé du BCG, toujours à l’effectif du cabinet de conseil même si la présidence officielle est assurée par Stéphane Antiglio (voir doc joint).
C’est donc l’associé d’un prestigieux cabinet de consulting, spécialisé dans le digital, qui est amené à redresser et prendre les mesures d’urgence qui doivent permettre à Bain Capital de valoriser sa participation. Une première.

Étape 2 : Le plan d’action engagé, en 6 slides

Le plan d’actions déployé en urgence par Philippe Nobilé n’a rien de conceptuel et vise, selon nos informations, à redresser la trésorerie et à éteindre les feux partout allumés.

1/Aucun chèque n’est plus signé ni aucune dépense engagée sans l’aval de Philippe Nobilé ou de ses équipes. Ce fût la première décision prise et confirmée par mail.

2/Les fournisseurs les plus stratégiques et qui avaient pour une grande part « élu domicile » au Tribunal de Commerce (tant les procès étaient nombreux) ont commencé à être payés, ou à se voir proposer des plans de règlement honorés. Certains ont eu, tels Acute Telecom, le bonheur de voir leur créance honorée deux jours à peine avant la date d’audience. Du coup, le fonctionnement opérationnel de l’entreprise s’avère moins compromis qu’il ne l’a été (difficile de livrer des pièces et colis à des millions de clients quand Relais Colis, Chronopost, etc. ont cessé la collaboration).

3/Reprise en main, parfois rugueuse, des sources internes soupçonnées de fuites vers les journalistes.
Les équipes en charge de la sécurité interne chez Oscaro ont mis à pied au moins 3 salariés qui étaient suspectés d’avoir fourni à des médias (dont le nôtre) des informations ou des enregistrements de réunions internes (voir notre article). Ce fût dans certains cas, assez radical, comme peuvent le pratiquer parfois des anciens fonctionnaires de police reconvertis dans des postes de directeur de la sécurité. (Nous sommes obligés de dire que l’enquête n’a pas été trop poussée et qu’un salarié qui avait simplement commis la bêtise d’enregistrer une réunion interne, sans rien diffuser, a expérimenté la mise à pied et le licenciement sans sommation.)

4/La gestion des appels conflictuels au centre d’appels ? Caupenne Conseil (un ancien spécialiste de la négociation au Raid), qui a d’ailleurs été un temps associé dans l’entreprise, a commencé à prodiguer des formations à la gestion des appels difficiles, pour les volontaires.

Un téléconseiller Oscaro – © Edouard Jacquinet

 

5/Recensement exhaustif des dépenses à assumer et diminuer. Tout ce qui permet de diminuer le point mort et les charges fixes est passé au scotch brite ; baux, regroupement envisagé des locaux et entrepôts, etc.

6/Expérience client, remboursements… le choix cornélien. Certainement le sujet le plus complexe, celui qui donnera l’occasion de constater si OUI ou NON, on est convaincu que le client est un actif vital dans une entreprise (ce qui est rédigé dans de nombreux livres blancs et clamé dans des centaines de conférences). La situation est en effet complexe et simple à la fois : des milliers de clients attendent des remboursements pour des commandes et pièces retournées au point que des menaces d’actions en justice sont évoquées par l’UFC Que Choisir. Les rembourser vite assèche la trésorerie mais ne garantit pas qu’ils seront des promoteurs de l’entreprise, qu’ils recommanderont d’ailleurs chez Oscaro. Ils ont depuis eu l’occasion de commander ailleurs et de constater peut-être que c’est le même essuie-glace ou la même courroie de distribution qui est proposée à la vente chez les concurrents,
Engager le plan de remboursements, mais à un rythme modéré, en annonçant qu’on va rembourser, plus tard, permet de calmer le jeu et de conserver quelques sesterces dans la bourse. Mais on a vu que le digital permet également aux gens de parler et de dire leur ressentiment, sur le web. Ah ces réseaux sociaux…

Aux dernières nouvelles, la situation retenue est une voie médiane, qui embarrasse d’ailleurs les salariés en contact avec le client, notamment les téléconseillers du centre d’appels de Gennevilliers. (Voir photo ci-dessus)
En réunion récemment, à l’un deux qui aurait* posé la question suivante à Mr Nobilé : « mais on leur dit quoi aux clients qui appellent, crient et en ont marre ? », le consultant et manager de transition aurait répondu :
« Vous leur dites qu’ils vont être remboursés, qu’on s’y engage. »
Tenace, le téléconseiller a poursuivi : « on les rembourse par virement, puisqu’on a leur rib ? » « Non surtout pas, par chèque. »
On comprend mieux la logique de cette voie médiane lorsqu’on apprend que le chiffre d’affaires aurait diminué de 30% ; que quelques factures de fournisseurs auraient été découvertes, qui alourdissent encore le global des sommes à décaisser. 50 millions d’apport, peu ou prou, c’est à la fois beaucoup et peu.

CBR vs NPS, le slide qui tue !

Cash Burn Rate, c’est à dire la consommation de cash qui est en cours pour faire tourner au quotidien une entreprise, contre le Net Promoter Score, l’indice qui mesure le désir d’un client d’une entreprise de la recommander parce qu’il a vécu une expérience client heureuse.

Étape 3 : à suivre

Le remboursement par chèque d’un client épuisé par 456 appels et deux mois d’attente est-il préférable au virement ? 
Ce n’est pas un sujet de concours général de philo, mais la prochaine épreuve d’entrée au MBA d’HEC, 45 000 euros en moyenne. Règlement du MBA… par prélèvement bancaire.

A la demande d’Oscaro, le droit de réponse ci-après est publié, le 5 mars 2019

« Nous vous remercions pour votre article du 13 décembre 2018. Il nous paraît cependant important d’y apporter quelques précisions : les trois salariés mis à pied par la Direction des Ressources Humaines de la société OSCARO.COM ne l’ont pas été pour avoir communiqué des informations confidentielles à la presse, mais sur le fondement de la fraude et de la faute grave.
La nouvelle Direction Générale d’OSCARO n’effectue aucun arbitrage entre sa trésorerie et le remboursement de ses clients. Nos clients constituent l’actif principal d’OSCARO et sont donc notre priorité absolue. Notre nouvel actionnaire nous a donné la solidité économique et financière nécessaire pour nous permettre de tenir nos engagements et de rembourser nos clients. Tous nos clients seront intégralement remboursés, par virement ou par chèque selon les cas.
Il était important de clarifier la seconde moitié de votre article. »

La direction d’Oscaro

Une analyse menée par le service fact-checking d’En-Contact

* Boston Consulting Group
* Les conditionnels ont été préférés dans le suivi que notre magazine a décidé de faire de l’aventure Oscaro. Aucune des demandes d’interview des dirigeants n’a été accueillie positivement. Notre magazine est poursuivi en justice par Oscaro et un cadre que nous avions nommé dans un article précédent. 

Photo de Une : De l’autre côté du périph de David Charhon. Quand un consultant associé du 8ème arrive à Gennevilliers :).

Voir tout notre dossier Oscaro.
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