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Le B to B, parole d’expert : Etienne Turion, CEO de Webhelp Enterprise

Publié le 06 mars 2019 à 09:52 par Magazine En-Contact
Le B to B, parole d’expert : Etienne Turion, CEO de Webhelp Enterprise

Épisode #1 : Paris est une fête et Paris sera toujours Paris, certains s’y emploient.

Jusque-là chasse gardée des Américains, le concept et les savoir-faire liés à l’expérience client ou au développement des ventes commencent à être sérieusement préemptés par quelques artisans français qui entendent capitaliser sur leur expérience ou le talent de leurs équipes. En-Contact est allé rencontrer quelques-uns de ces aventuriers, artisans ou apôtres… Certains prêchent en effet dans le désert depuis bien longtemps sans avoir abandonné la foi.

 

Webhelp Glasgow – © Edouard Jacquinet

 

Le téléphone et Paris, une histoire ancienne. Le 17ème arrondissement, cluster historique ?

Voilà presque cent-quarante ans que le téléphone a fait irruption dans la capitale, le 30 septembre 1879, précisément. Grâce à une douzaine de centraux téléphoniques, chaque abonné au téléphone peut joindre d’autres interlocuteurs qui disposent du téléphone, via une communication transitant par l’un de ces centraux. Dans le 17ème arrondissement, le central Wagram, initialement installé au 4 rue de Logelbach et qui déménagera ensuite au 62 de l’avenue de Wagram, est l’un de ces 12 centraux. Le 17ème arrondissement semble un endroit névralgique puisque c’est le central Carnot qui permet, à partir du 22 septembre 1928 de passer les premiers appels en automatique : l’appelant n’a plus besoin de joindre une opératrice pour joindre un autre abonné parisien. Seules les communications en interurbain ou vers l’international nécessitent l’intermédiation de cette dernière. Étonnez-vous ensuite que d’Agaphone à Webhelp en passant par Vocalcom ou Europhone, les avenues de Wagram, les rues de Tilsitt, de Tocqueville ou de Courcelles aient conservé des liens étroits avec la French Connection des centres d’appels… Ces rues ont été ou continuent d’héberger les sièges historiques de nombreuses entreprises du secteur, dont celles citées.

They sell by tel… Du Télémarketing au Modern Selling

Etienne Turion, le CEO de Webhelp Enterprise est l’un de ces apôtres. Muni de quelques convictions et à la tête d’équipes de combattants de la donnée et de l’argumentaire, sa mission consiste à évangéliser les incroyants et les crédules : on pourrait vendre au téléphone, en B to B. Sous réserve de respecter quelques principes simples. Comment s’est-il converti à cette foi et pour quelles raisons son évangile a-t-il été adapté, c’est le sujet de l’entretien.

Etienne Turion, CEO de Webhelp Enterprise – © DR

En-Contact : Pourquoi serais-tu légitime à nous parler ? Pour quelles raisons devrions-nous t’écouter ?
Etienne Turion : J’ai démarré ma carrière a long time ago chez Xerox, une très belle école de vente à l’époque. J’y avais suivi les formations SPANCO (Suspect/Prospect/Analyse/Negociation/Conclusion) ; elles restent vraiment d’actualité ! Mais ce qui m’avait marqué au-delà des méthodes de vente, c’est surtout les managers rencontrés : de très fortes personnalités, inspirantes. J’ai poursuivi dans cet univers B to B en rejoignant Everest Marketing Group qui développe des opérations d’incentive et de marketing relationnel auprès de cibles professionnelles.
Très naturellement, lors de mon intégration chez Webhelp, j’ai poursuivi ma lancée sur le B to B avec les 2 gros accélérateurs qu’ont été l’intégration de Online, une entreprise italienne spécialisée dans l’inside sales puis, plus récemment, de Sellbytel, au nom explicite.

Qu’est-ce qui a changé dans le B to B ?
Fondamentalement, les enjeux demeurent similaires : accélérer les ventes que cela soit en soutien aux équipes commerciales internes (fourniture de leads) ou en pilotant de bout en bout le funnel jusqu’à la conclusion de la vente (funnel : tunnel de conversion). Et en même temps, tout a changé : fini le traditionnel fichier prospect à contacter, de A à Z. J’aime bien cette nouvelle terminologie Modern Selling qui traduit la nouvelle approche consistant à vendre en s’appuyant sur davantage d’intelligence avec de l’analytics, du demand marketing, des insides sales et du customer success. C’est déjà plus chic que télémarketing et la téléprospection mais surtout, au-delà du story telling, cela reflète bien la complexité du métier et la recherche d’efficacité qui prévaut : tout comme en B to C, on vit la révolution digitale. Le comportement d’un acheteur professionnel n’est pas finalement très différent de celui de l’acheteur particulier : tout commence souvent par le Web. La démarche de vente démarre donc bien en amont du contact humain, mais ce dernier demeure heureusement toujours nécessaire et nécessite des commerciaux aux profils plus matures, plus experts, capables de finaliser une intention en acte d’achat, même dans un cas complexe. 60 % à 70 % du parcours d’achat est déjà effectué quand intervient le 1er contact avec le commerce.
(Source IDC)

Comment se structure le Modern Selling ?
Je crois beaucoup à la cohérence d’ensemble de l’approche commerciale : il existe plus de 20 millions de TPE/PME en Europe, inutile de les appeler directement sauf à gaspiller votre investissement. Il faut travailler avec une logique d’entonnoir : enrichir les données brutes, développer des modèles de scoring pour ne conserver que des prospects potentiellement appétants. Ce potentiel est alors « marketing ready » pour être ciblé par des contenus ad hoc, véhiculés via les canaux digitaux. Ces initiatives marketing (interactions, engagements…) doivent être finement suivies et mesurées afin de transmettre au bon moment ces MQL (Marketing Qualified Leads) aux équipes commerciales pour les convertir en SQL (Sales Qualified Leads). Cela nécessite de mettre en œuvre des outils de pilotage, du début à la fin du cycle, pour éviter les fractures entre marketing et ventes liées à un fonctionnement en silos.

Quel est le profil des clients avec lesquels vous collaborez ?
Nous avons 2 types de clients : les experts qui ont déjà des logiques de ventes externalisées (plutôt dans le secteur IT) et les nouveaux entrants (souvent dans d’autres secteurs). L’informatique a fait sa mue en matière commerciale depuis plus de 10 ans avec l’arrivée du modèle « souscription » porté par le SAAS ; à partir du moment où vous vendez un service, un usage plutôt qu’un produit, vous changez totalement de paradigme : le panier moyen d’achat est beaucoup plus faible, rendant complexe l’amortissement d’une force de vente terrain sauf sur les cibles grands comptes. Les grands acteurs du secteur ont donc massivement repositionné leur force commerciale en basculant une grande partie de la vente terrain (field sales) vers la vente sédentaire (inside sales). Pour les nouveaux entrants, quantité d’entreprises revoient actuellement leur efficacité commerciale en se posant les mêmes questions : comment couvrir mes zones blanches, comment tester une nouvelle offre, comment arbitrer entre mes canaux de commercialisation et réduire le go to market, comment gérer du push pull, comment animer un réseau ? Et ce dans des secteurs très variés : industrie, biens de consommation, banques…

Ces nouvelles approches nécessitent des profils de telesales ou commerciaux sédentaires qu’on a du mal à recruter en France et à Paris non ?
En effet, le métier de vendeur sédentaire est souvent moins considéré ici qu’à l’étranger. C’est pourquoi 90 % de nos 3 000 vendeurs avec ce niveau de qualification sont basés en Europe, sur des hubs multilingues à Barcelone, Prague, Athènes, Lisbonne… On parvient plus facilement à recruter de jeunes diplômés français avec des formations commerciales ou des profils d’ingénieurs conseil dans ces bassins d’emploi.

Par Holden Caufield


 

 

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