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Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable

Publié le 22 février 2012 à 13:59 par Magazine En-Contact
Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable

Édito N°66 /

Dans une analyse passionnante publiée le 13 février 2012 dans les Echos*, Jean-Francis Pécresse, éditorialiste, décrypte «l’affaire» qui a occupé la quasi-totalité des médias en janvier 2012, si l’on veut bien mettre de côté deux autres « événements » : la campagne présidentielle et la neige et le froid en hiver : L’arrivée de Free Mobile ou comment… beaucoup promettre pour pas cher et ne jamais « délivrer ». Quelques jours après seulement, l’inauguration par le grand Carlos Ghosn de sa nouvelle usine Renault à Tanger émeut les esprits bien-pensants : «Comment ? Qu’est-ce que  j’apprends? Une usine au Maroc pour faire des voitures pas chères ?» on se croirait  : dans «La vérité si je mens» numéro 2 ( José Garcia qui se plaint de se faire doubler par son fournisseur…) Et pendant ce temps-là, à Sciences Po, on supprime l’épreuve de culture générale, dans l’école censée former de futurs hauts fonctionnaires notamment. Cherchez l’erreur…

Drôle d’époque : un président quasi-monarque d’une ex-régie, au salaire mirobolant, a compris qu’on n’était plus capable dans notre pays de produire des voitures low-cost. Un directeur d’école médiatique, et lui-même très cultivé et instruit a compris que ce qu’il faut vendre… ce sont des paillettes. Un milliardaire très malin et très pragmatique (en chemise blanche) promet à tout un chacun de téléphoner beaucoup moins cher, à l’Etat de créer 1 500 emplois dans des centres d’appels en Île-de-France en contrepartie de sa quatrième licence. A l’arrivée, ça ne se passe pas tout à fait comme prévu : des dizaines de milliers de clients attendent leur carte SIM, les centres d’appels de Free à Vitry et à Colombes ont recruté à peine quelques 500 téléopérateurs et les concurrents du grand vendeur de liberté se voient contraints d’acheter, en mode réactif, et à prix d’or, dans la presse des encarts pour expliquer qu’ils ont des boutiques, des télé-conseillers, que le service client, c’est important, etc.

Les noms d’oiseaux fusent : romanichelle, escrocs. Dans le même temps, les spécialistes du recrutement, des DRH s’évertuent à réapprendre les bienfaits de la politesse à leurs salariés, le savoir-vivre et des dizaines de PME recherchent à tout va des commerciaux sédentaires… qu’elles ne trouvent pas.

« La folie Free, symbole d’une schizophrénie française », comme l’indique le titre de cette analyse ? Il n’y a pas simplement, comme le dit Stéphane Richard  PDG d’Orange « une perte de perception de la valeur du service », il y a, chez beaucoup de décideurs économiques et politiques dans notre pays, depuis beaucoup trop longtemps, une perte de contact avec le réel par cynisme ou par cécité…

Et pourtant, réjouissons-nous : les Black Keys ont sorti un album qui est une vraie tuerie, comme dirait mon fils. Il y a donc encore dans le monde, des musiciens sûrs de leur projet, capable d’attendre sept albums pour connaître le grand succès, suffisamment convaincus qu’il faut rester fidèle à son projet de départ, même si celui-ci ne signifie pas vendre n’importe quoi au plus grand nombre ? Les Black Keys ont préféré retravailler leurs morceaux, la cohérence à l’argent facile. L’album en question s’appelle « El camino », le chemin en espagnol . A vous de trouver le vôtre dans ces périodes compliquées qui sont souvent… les bons moments pour effectuer des changements radicaux. Et si vous n’aimez pas la musique vraiment rock mais que vous disposez tout de même de 5,70 €, lisez ou relisez Romain Gary qui donnait, il y a 36 ans, un très beau titre, furieusement d’actualité, à l’un de ses grand romans : « Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable ».

Manuel Jacquinet,
Édito rédigé en février 2012

A retrouver sur notre site « La folie Free, symbole d’une schizophrénie française »

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