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Arnaud de Lacoste : ADL et ses partners

Publié le 10 janvier 2019 à 09:01 par Magazine En-Contact
Arnaud de Lacoste : ADL et ses partners

Du lycée Bessières à Miami, le parcours et quelques confidences d’un taiseux, amateur de robots et de kitesurf. Et dont la carrière brillante dans les centres d’appels ne fût pas compromise par des câblages hasardeux : Arnaud de Lacoste.

Son admission, dès la première année de prépa aux écoles de commerce, à Sup de Co Nice (devenue SKEMA), est à la fois une bonne surprise pour ADL mais surtout un véritable « moment of truth » dans le parcours du jeune homme : à Nice, il va rencontrer deux amis, bientôt associés et le monde des études par téléphone au sein de la Junior-Entreprise de l’école. Vingt-quatre ans après, le presque quinquagénaire a posé ses valises. A Paris, en France, son pays ; qu’il indique apprécier encore plus désormais qu’il a vécu aux USA. Et après avoir propulsé Sitel Acticall au top 3 mondial de son secteur.

Arnaud de Lacoste – © Edouard Jacquinet

Manuel Jacquinet : Nous nous connaissons depuis presque vingt ans mais, comme beaucoup de monde dans la profession, je sais finalement peu de choses sur l’homme ADL. Qui es-tu, un seigneur des robots, un homme qui est parvenu au bout d’une aventure au point d’annoncer ton départ via un post sur LinkedIn, un voyageur fatigué semblable au héros de In the Air ? Qu’est ce qui explique le départ soudain de la seule entreprise que tu aies connue ?
Arnaud de Lacoste : C’est assez simple : j’ai pris l’avion 120 fois l’an passé et je vais avoir 47 ans, l’âge à partir duquel on se sent entamer la deuxième partie de sa vie, la dernière. Je ne passais que cinq jours par mois à Miami (le siège mondial de Sitel). Il a toujours été clair avec le fonds familial auquel nous sommes associés depuis longtemps (Creadev) qu’il y aurait peut-être un jour une nouvelle aventure, peut-être avec une autre équipe. La voilà qui débute pour moi.

Revenons au début de celle-ci alors. Comment avez-vous créé Acticall ?
J’étais un bon élève, pas un cador et après un bac D, j’ai fait une classe prépa aux écoles de commerce, dans un lycée (Bessières, Paris 17). Contre toute attente, j’ai adoré la période et les cours, y ai obtenu d’assez bon résultats. J’ai donc décidé de présenter une série de bonnes écoles de province et je me suis même rendu aux épreuves très détendu, sans pression. Dans mon esprit, il s’agissait de faire un galop d’essai en multipliant les épreuves afin d’être prêt et armé pour l’année suivante. A ma grande surprise, j’ai été admissible dans quasiment toutes les écoles présentées et j’ai décidé de ne pas tenter le diable en redoublant. Me voilà à Sup de Co Nice où je vais faire la connaissance de Laurent Uberti et d’Olivier Camino, qui vont d’ailleurs devenir mes colocs. C’est au sein du BDE (bureau des élèves) puis de la Junior-Entreprise de cette école, que nous allons entamer notre « carrière » en réalisant des études de marché par téléphone, pour le compte d’EDF. Après la sortie de l’école, on a poursuivi ces activités, depuis Paris, dans des conditions très artisanales. Nous partagions un grand appart, situé à une adresse prestigieuse, rue Lincoln où nous habitions et travaillions. Il y avait des téléphones (des lignes fixes) de partout et c’était le kibboutz. Pour le déjeuner, je me mettais aux fourneaux pour tout le monde, c’est-à-dire les 20 salariés que nous avions déjà.

Multi-casquettes alors ?
A un point que tu n’imagines pas. Quand nous avons déménagé pour notre premier centre, situé à Clichy, on a tout câblé tout seuls, par souci d’économies. On n’y connaissait rien et on a donc mélangé courants faibles et courants forts. C’est en 1996 que la technologie va nous permettre d’accomplir un bond. Alors qu’on était équipés de lignes fixes uniquement et qu’on ne faisait que des appels sortants, nous voilà équipé de notre premier PABX, un Alcatel 4400. C’est une révolution, on peut simultanément émettre et recevoir des appels ! Plus tard, quand nous louerons notre vrai premier centre d’appels à Bagnolet, il était équipé de 400 positions alors que nous n’en occupions que 40. On est donc partis à l’abordage pour récupérer des missions chez tous les grands donneurs d’ordre qui étaient à l’époque Wanadoo, GDF. En réalité, en raison de notre petite taille, nous n’étions pas en mesure de concurrencer les TP, SNT/ATOS, Arvato. On nous confiait les trucs compliqués qui ennuyaient tout le monde. Nous avons récupéré, tout au long de cette période, les miettes et qui plus est, avec une frustration énorme. Nos clients étaient satisfaits mais dès que les appels d’offres importants étaient émis, notre petite taille nous handicapait et nous empêchait de concourir. Du côté de la trésorerie, c’était tous aussi ardu ; la croissance était consommatrice de BFR (besoin en fonds de roulement) ; les salariés doivent être payés à la fin du mois tandis que nos factures étaient réglées à 90 jours. C’était rock’n roll mais Laurent a eu à cette époque une intuition qui a été décisive. Il fallait lever de l’argent.
Avec un dossier sous Powerpoint, il a consacré des mois à rencontrer les fonds et nous sommes parvenus à lever 14 millions d’euros auprès d’Europ@web (le fonds dédié à l’Internet de Bernard Arnault). Plus tard ce sera MBO partenaires qui prendra leur place puis Creadev.



Cet argent va tout changer ?
Oui et non. Oui par l’aisance financière qu’il nous donne et les moyens de notre ambition mais notre taille demeurait trop modeste, comme je l’ai indiqué plus haut. C’est le rachat de Vitalicom, un vrai pari, qui va nous permettre de jouer dans la cour des grands. La société lorsque nous la rachetons fait 55 millions d’euros de CA mais perd 11 millions d’euros par an, soit l’équivalent de notre chiffre d’affaires annuel !

Le redressement de celle-ci a-t-il été délicat ?
Il a fallu essentiellement remettre un peu de bon sens dans une société qui semblait l’avoir un peu égaré et changer une bonne partie des équipes du siège ainsi que la quasi-totalité des directeurs de site. Le plus compliqué de nos jours est souvent de se réapproprier le bon sens. Dans tous les recrutements que nous avons faits dans le groupe, nous avons toujours privilégié les profils de candidats qui possèdent une intelligence situationnelle et un ensemble de qualités qui m’apparait essentiel : l’honnêteté, l’instinct et la loyauté. Je m’attache plus à identifier ces caractéristiques qu’un diplôme de grandes écoles.

Tu es devenu un passionné de technologie, d’IA et as même rédigé un livre sur ces thématiques. As-tu apprécié l’expérience, où as-tu trouvé le temps pour sa rédaction ?
Le sujet me passionne en effet mais surtout j’avais une forme de colère contre les idées, partout répandues, que l’IA va détruire notre métier et remplacer la quasi-totalité des conseillers. Or tout ceci n’est jamais documenté ni étayé. L’idée de l’ouvrage part de là. Quand je me suis attelé à sa rédaction, ma préoccupation a surtout consisté à être légitime. J’ai donc beaucoup lu, rencontré des experts, me suis documenté, autant de choses qui font d’ailleurs évoluer la réflexion. Ce que j’ai pu observer depuis, c’est que le livre fait encore autorité et que le consensus actuel est plus modéré. Je suis invité à participer à des conférences, je continue à en animer 2 à 3 par mois.

Les logiciels et l’informatique sont désormais au cœur du métier de l’outsourcing et de l’expérience client. Qui t’a étonné, surpris au cours de ces 24 ans dans le secteur ?
Le marketing et la vision de Lithium m’ont vraiment impressionné : l’entreprise était inspirée et organisait des conventions démentielles avec ses 300 clients. Dans un autre domaine et même si je ne le connais pas bien, le fondateur de Vocalcom (Anthony Dinis) est également surprenant : être parvenu à conserver une place d’entreprise incontournable dans un secteur envahi par les anglo-saxons est une source d’étonnement et de respect.
Par ailleurs, des entreprises telles que Dimelo, également, sont parvenues à créer de bons produits, très légitimes dans leur périmètre fonctionnel.

Ton nom complet est Arnaud de Lacoste de Laval. Le jeune homme que tu étais au Lycée Bessières avait-il une forme d’ambition provenant de son milieu, une secrète revanche à prendre sur quelque chose ?
(Sourires) Pas du tout. Je suis né dans le Val-de-Marne, sans cuillère en or dans la bouche. Mon père était manipulateur radio : il allait chez les gens faire des radios à domicile, sans protection contre les rayons, il est d’ailleurs décédé à 60 ans. J’ai financé mes études en ayant recours à des prêts étudiants. Ce que j’ai appris, c’est qu’il ne faut pas trop réfléchir et faire confiance à son instinct. J’ai eu la chance de travailler pendant plus de 20 ans avec passion, avec des amis et des collaborateurs fidèles et engagés, de côtoyer des clients eux aussi passionnés. C’est ça qui fait se lever le matin. Mon envie vient de là, je n’ai jamais eu de revanche à prendre sur quelqu’un ou quelque chose. Je ne sais pas encore complètement de quoi sera constituée la seconde partie de l’histoire, mais il est certain que ces composantes seront indispensables ! C’est ça qui est excitant. Qui vivra verra !

Par Manuel Jacquinet

Redécouvrez le reportage consacré à Sitel « From Miami to Nicaragua ».
Retrouvez + de Citizen Kane sur En-Contact, ici !

 

 

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